Semences certifiées Des stratégies payantes
Le marché des semences certifiées vient de connaître une campagne d'automne difficile avec un recul des ventes de l'ordre de 10 %. Certains distributeurs résistent mieux que d'autres. Exemple chez trois négociants et dans trois coops qui s'en sortent plutôt bien, forts de véritables stratégies en semences.
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La bonne santé enregistrée depuis plusieurs campagnes, par le marché des semences en France, a marqué un coup d'arrêt brutal cet automne. Les ventes de semences certifiées de céréales à paille viennent même d'accuser un recul significatif. « Pour les semis de l'automne 2015, les volumes certifiés de semences ont baissé de - 8 % toutes céréales confondues, de - 11 % en blé tendre et de - 17 % en triticale, souligne Philippe Silhol, chef du service Economie et Statistiques au Gnis (Groupement national interprofessionnel des semences). Ils sont stables à - 1 % en orges. Seul, le blé dur augmente de + 14 %. Les volumes de certification de semences sont les seuls chiffres que nous ayons à notre disposition en cours de campagne, mais ils constituent déjà un bon indicateur de la tendance du marché. » Les ventes de semences reculent alors que les surfaces emblavées en céréales à l'automne ont encore augmenté, de 1,1 % pour le blé tendre, de 4 % pour les orges d'hiver, et de 10 % pour le blé dur. Ce qui signifie que le taux d'utilisation de semences certifiées accuse un recul encore plus marqué. Il serait passé selon Semences de France, de 57 %, pour le blé tendre en France, à l'automne 2014, à 54 %, à l'automne 2015. Les hybrides n'échappent pas à la tendance générale. « Les hybrides de blé sont en recul de - 14 %, précise le responsable du Gnis. Ceux d'orges d'hiver, de - 6 %, alors qu'ils étaient en plein développement. »
Le cours du blé trop bas
« Après trois ou quatre campagnes successives de facteurs très favorables aux semences certifiées, nous sommes confrontés à la dure réalité du marché avec des prix bas pour les agriculteurs », reconnaît Jean-Paul Moreau, directeur approvisionnements et services, chef de marché semences, chez Soufflet Agriculture. « Le cours des céréales est l'élément majeur qui intervient, mais la récolte 2015 a aussi été d'excellente qualité, et dans ce cas, les agriculteurs sont davantage tentés d'utiliser des semences de ferme », souligne Julien Constant, secrétaire général de la section Céréales à paille et protéagineux au Gnis. Il faut également reconnaître que le triage à façon des semences se professionnalise. « Le triage et le traitement des semences de ferme par des trieurs à façon, a progressé en moyenne de 7 % en 2015, au détriment surtout des semences triées par les agriculteurs eux-mêmes », indique Sylvain Ducroquet, président du syndicat des trieurs à façon français. Il estime qu'en 2015, 200 000 t de semences de ferme ont été triées par des trieurs à façon indépendants, 80 000 t par des coopératives et des négociants, 30 000 à 40 000 t par des Cuma et 45 000 à 50 000 t par les agriculteurs eux-mêmes. Cette part continue à baisser chaque année. Si les agriculteurs hésitent de plus en plus à traiter eux-mêmes les semences avec des produits phytosanitaires, le fait de pouvoir faire appel à un prestataire, les libère de cette contrainte.
« Toutes les régions ne sont pas concernées de la même façon par la baisse des ventes de semences, souligne cependant Philippe Silhol. Le taux d'utilisation de semences certifiées reste élevé en Champagne, dans le Nord-Pas-de-Calais, dans le Sud-Est... Il est traditionnellement plus faible dans le Centre et le Bassin parisien. »
De fortes variations régionales
C'est ce que confirme Semences de France à l'issue des ventes de l'automne 2015. La Champagne et en particulier les départements de la Marne et des Ardennes arrivent en tête avec un taux de semences certifiées de blé de l'ordre de 80 %, devant des départements du sud-est, comme l'Isère, le Rhône ou l'Ain, aux alentours de 70 %, et le Nord-Pas-de-Calais et la Somme, également autour de 70 %. Les départements bretons et des Pays de la Loire, à dominante élevage, ne sont pas très loin. Alors que le taux d'utilisation de semences certifiées de blé, dans des départements davantage céréaliers, comme ceux d'Ile-de-France et du Centre, se situe plutôt aux environs de 35 %.
Comment limiter la chute des ventes de semences ? « La zone nord résiste un peu mieux que d'autres, car le laps de temps entre la récolte et les semis est très court et certaines années, les conditions climatiques perturbent les moissons, constate Benoît Laffineur, délégué régional au Gnis. Les agriculteurs préfèrent donc acheter leurs semences. Mais c'est aussi parce que des distributeurs ont fait l'effort de s'intéresser aux semences, d'investir dans des stations de semences, d'aller voir très tôt les agriculteurs pour les inciter à s'engager avant la moisson... »
« Dans le Sud-Est, les organismes stockeurs ont favorisé depuis longtemps l'utilisation des semences certifiées par la mise en place de systèmes d'échanges récolte-semences », souligne Philippe Roux son homologue dans cette région. Même si ce dispositif a évolué depuis. Si certaines régions s'en sortent mieux, certains distributeurs résistent aussi mieux que d'autres. Chez six d'entre eux interrogés par Agrodistribution, on retrouve des points communs. Et en premier lieu, aucune de ces entreprises ne se contente d'approvisionner en semences ses associés coopérateurs ou ses clients agriculteurs, mais elles ont toutes mis sur pied de véritables stratégies semences et ont fait le choix de s'investir dans le dossier.
Mettre en place des plans d'action
Parmi les clés qu'elles évoquent, une véritable politique de fond dans les semences est établie : disposer d'outils de production de semences, de formation des techniciens sur le terrain, de lancements de campagne spécifiques aux semences, de construction d'argumentaires précis ; fixer tôt le prix des semences, encourager les agriculteurs à passer rapidement leurs commandes, proposer des avances de trésorerie, parler de génétique et de variétés, et mettre l'accent sur l'innovation variétale...
Elles insistent toutes sur l'importance de mettre en place des plans d'action précis et d'anticiper la campagne. « Il n'y a pas de remèdes miracles, mais ça vaut la peine de s'y pencher pour reprendre les choses en main », reconnaît Eric de Solages, directeur d'Axéréal (lire ci-dessous). Le Gnis met d'ailleurs à la disposition des semenciers et des distributeurs de véritables argumentaires. « Nous travaillons activement à la planification d'actions pertinentes, souligne Julien Constant. Nos actions engagées depuis plusieurs années vont être renforcées et nous avons accru nos efforts de communication avec une campagne de presse plus soutenue. » Saaten Union va aussi mettre les bouchées doubles cette année, pour mieux expliquer les avantages des blés hybrides, la façon de les cultiver, les densités les mieux adaptées.
Les politiques de filière favorisent aussi l'emploi de semences certifiées. C'est notamment le cas en blé dur. « Le plan de relance du blé dur porte ses fruits, c'est la seule espèce qui a vu ses ventes de semences progresser et de façon significative cette année », constate Myriam Doumerc du Gnis Sud-Ouest. « En protéagineux, après être descendu considérablement bas, le marché connaît un frémissement très net, souligne Xavier Martin, délégué régional du groupement dans le Centre. C'est grâce au plan en faveur des légumineuses. »
Favoriser les mélanges Agrifaune
Le marché des semences pour couverts en intercultures se développe également, des distributeurs comme Soufflet ont pris la peine de s'y investir et depuis longtemps. « Les mélanges d'espèces labellisés Agrifaune qui apportent un intérêt pour les chasseurs, représentent aussi un gros potentiel, les coopératives et les négociants devraient davantage s'y intéresser, ajoute Bruno Osson du Gnis dans le Nord. Ce n'est pas un marché facile à gérer, car il est décliné à l'échelle de chaque région, et même de chaque département. Mais les chasseurs sont des gens passionnés, dès qu'on leur parle de l'intérêt de tel ou tel couvert, ils prêtent l'oreille et sont prêts à participer au financement. Rien que dans le département du Nord, les ventes de couverts Agrifaune ont représenté 80 000 € en 2015, pour seulement 7 % du potentiel de surfaces sous couverts. »
DOSSIER RÉALISÉ PAR BLANDINE CAILLIEZ
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